A projet faramineux, pertes faramineuses !
Avec 2,3 millions de visiteurs par an, le parc du Puy du Fou a été élu meilleur parc du monde en 2019 par l’IAAPA. Pour rester en haut du classement, le parc historique français, qui occupe à ce jour une superficie de presque 60 ha, a décidé d’investir dans de nouveaux spectacles et dans de gros chantiers immobiliers concernant notamment un complexe hôtelier. La capacité hôtelière du site va ainsi passer en 2020 à 500 chambres et 2 500 lits. Le dernier né, l’hôtel « Grand Siècle », ouvrira 96 chambres luxueuses « aux couleurs royales », installées dans 8 pavillons, le tout entouré de jardins de style Le Nôtre sur 3 ha. Un restaurant de 500 couverts doit également ouvrir. L’objectif du directeur du parc est d’accueillir 400 séminaires/an. En tout, les investissements récents sont estimés à plus de 62 millions d’euros.
Chaque année les bénéfices que le parc réalise, et qu’on situe à 8 à 9% du chiffre d’affaires, sont réinvestis dans le parc. Depuis sa création en 1977, ce sont donc plus de 450 millions d’euros qui ont été investis dans le parc. Il s’agit de se développer toujours plus, pour attirer de plus en plus de monde.
Mais la pandémie de Covid-19 est venue troubler ces objectifs ambitieux. En 2020, le parc n’a pas ouvert à la date prévue. Les conséquences ont été immédiates.
Les risques du gigantisme : un colosse aux pieds d’argile ?
Philippe de Villiers, le fondateur du Puy du Fou , n’a eu de cesse d’alerter le gouvernement ces dernières semaines sur la situation financière du parc : » Le Puy du Fou se prépare à toutes les éventualités mais une saison blanche nous ferait courir de grands risques. Nous serions très fragilisés. « ou encore « La limitation des déplacements des Français peut impacter gravement notre activité. La perte financière est évaluée à 50 millions d’euros.« Il s’avère effectivement que les pertes journalières du parc sont estimées à 1 million d’euros par jour et depuis le début de la crise, elles s’élèveraient à 40 % du chiffre d’affaires annuel ( celui-ci était de 120 000 000 d’euros en 2019).
Nul doute également que la crise impactera les les projets de développement à l’international, en Espagne, en Chine et aussi en Autriche et en Italie. Toutes ces ramifications dans plusieurs pays ne font qu’accentuer le risque global supporté par le Puy du Fou. C’est ce risque lié au gigantisme et à la mondialisation qui doit être pris en compte aujourd’hui dans les projets de création de parcs de loisirs ou de parcs touristiques qui semblent avoir le vent en poupe. La maîtrise de ce risque nécessite qu’on se pose les bonnes questions au moment où il est encore temps.
Questions posées
Le type de situation que nous vivons pose bien des questions, qui ne sont pas seulement financières. Les dimensions sanitaires, sociales, écologiques et économiques doivent être prises en compte.
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Quels seront les conséquences du confinement sur l’équilibre financier du parc et sur son taux d’endettement ?
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Que deviennent les centaines d’entreprises et les milliers d’emplois qui assurent le bon fonctionnement et les approvisionnements du parc, en cas d’arrêt ou de ralentissement sensible de l’activité ?
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Faudra-t-il injecter des fonds publics sous une forme ou une autre pour rétablir les équilibres ?
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Aujourd’hui, on autorise le Puy du Fou à rouvrir ses portes et à accueillir plus de 25 000 personnes, alors que les festivals, les manifestations culturelles estivales restent interdites. Où est la logique ? Où est la cohérence ? N’est-ce pas un mauvais signe pour la culture !
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En outre, la crise récente vient de mettre en évidence tous les inconvénients de la mondialisation dans la plupart des domaines, santé, agriculture, industrie, technologies, transports… Pourquoi chercher encore à créer des parcs historiques bâtis sur un même modèle dans tous les grands pays du monde ? N’y a-t-il pas d’autres voies à prendre, d’autres chemins à emprunter, d’autres priorités à définir ? Quels seront les besoins réels de la population dans les années à venir ?
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Enfin, quand va-t-on prendre au sérieux ceux, de plus en plus nombreux, qui nous alertent sur la détérioration des conditions climatiques, sur la dégradation de notre environnement et sur les conséquences néfastes de l’artificialisation des terres ? Faut-il encore plus de voitures, plus de béton, plus d’attractions rassemblant des milliers de personnes, ou faut-il que nous jetions prioritairement les bases d’une société plus économe de moyens, protégeant la biodiversité et assurant à tous une sécurité alimentaire à base de produits sains et de qualité ?
G.M.
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