Ce mardi 16 novembre, l’Assemblée des Habitants de Mancey a donné une conférence de presse sur le thème :
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Notre capacité à définir ensemble notre devenir collectif en zone rurale
L’Assemblée des Habitants de Mancey a organisé en automne 2019 une grande consultation des Mancéens sur ce qu’ils attendaient du devenir de leur commune. Plus de la moitié y a participé soit davantage que de votants lors des dernières européennes et départementales.
Quatre projets ont émergé : circuits courts et espace commun pour favoriser les rencontres, créer des liens, des animations ; un projet « Bien vieillir à Mancey ; des énergies renouvelables ; l’aménagement de la zone humide. Des groupes d’habitants ont travaillé ensemble sur ces projets, mêlant l’expérience des habitants plus anciens et les attentes de celles et ceux qui ont fait le choix de venir vivre en village rural. Il faut mesurer ce que représente l’élaboration de ces projets et l’intelligence collective déployée pour développer et innover en matière de vivre ensemble en zone rurale. Cette activité contribue à resserrer les liens, à faire communauté entre anciens et nouveaux habitants.
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Une conception centralisée de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire
Or ces projets sont maintenant mis en question : le projet de PLUI – Plan Local d’Urbanisation Intercommunal – en cours d’élaboration, énonce le principe de la synergie « Villes-centres et villages ruraux » en insistant sur le caractère indispensable des villes-centres ou « polarités urbaines » dans le langage du PADD (Plan d’Aménagement de Développement Durable ».
Mais le mot synergie doit jouer dans les deux sens : Ville-centre/village mais aussi Village/ville centre
Et cela d’autant que les nouveaux flux de population, notamment depuis la crise du Covid, vont plutôt des villes et même des bourgs vers les villages ruraux. A Mancey, dont la population croît depuis 20 ans, parmi les arrivés les plus récents, il y a des gens de Mâcon, Lyon ou Paris. Ce mouvement de population est à prendre en compte : il génère de nouveaux besoins pour les villages concernés.
Au nom de la non-artificialisation des terres (loi ALUR) il faut, soit combler les « dents creuses » dans les villages et dans les bourgs, soit, au contraire, préserver de nouveaux espaces entraînant « de facto » la non constructibilité de certains terrains privés et donc l’appauvrissement de leurs propriétaires.
Mais les règles d’urbanisme n’empêchent pas la création de parcs de loisirs ou de plateforme logistique – pas loin d’ici (!) –pour ne prendre que ces exemples !!
Alors préservation des terres agricoles, bien sûr que oui, mais pour tout le monde !
En application du SCOT – Schéma de Cohérence Territoriale du Chalonnais, les villages ne peuvent plus créer de zones artisanales : le SCOT prévoit en effet de réserver aux villes-centres l’implantation de nouvelles zones. Dans les villages, seul le maintien des activités artisanales existantes est prévu.
Nous avons la chance dans notre village d’avoir de nombreux artisans : plombiers, maçons, ébénistes, ameublement, etc. Concrètement cela veut dire que notre village ne pourra pas accueillir de nouveaux artisans. Mais est-ce que, dans le futur, « maintenir les activités existantes » ne voudra pas dire que, lorsque les artisans actuels prendront leur retraite, leurs successeurs seront obligés de s’installer dans la ville-centre, désertifiant le village ?
Le risque de tout cela est que, à terme, la ruralité risque de se réduire à des villages fantôme ou, faute de maintien sur place des jeunes du pays, à des villages cimetières pour reprendre une expression entendue ici.
En contradiction totale avec les impératifs de la transition écologique les services de proximité disparaissent dans les villages, quelle chance pour la voiture !!
Des études font remarquer qu’en Saône et Loire on utilise trop la voiture…et pour cause s’il n’y a plus rien dans les villages et qu’ils ne sont plus que des dortoirs…
Quelle cohérence des politiques publiques ?
Où est la logique de tout cela ?
On nous dit qu’on ne peut pas revenir en arrière et qu’il faut innover. Mais qui parle de revenir en arrière ou d’avoir un boucher dans chaque village ou encore de vivre en autarcie ?
L’innovation ce n’est pas seulement la technologie, c’est le brassage social, la convivialité grâce à des lieux et activités diverses, le développement de l’autonomie énergétique, la préservation des équilibres environnementaux.
Or sans activités les villages n’ont plus les moyens d’être entretenus, d’autant que l’Etat se désengage de ses responsabilités.
Il y a deux poids deux mesures sans que l’on comprenne la cohérence des décisions qui nous sont imposées.
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L’urbanisme officiel est pensé, au contraire de toute pratique collective, sur la centralisation du pouvoir de décision
Nous sommes face à la perte de maitrise de la population sur ses sols et cette perte va concerner l’avenir même de tous nos villages, Mancey n’est pas une exception.
Au nom de la décentralisation (Loi Notre) c’est le contraire de la concertation qui se produit. Les élus locaux – y compris les Communautés de Communes – perdent toute marge de manœuvre qui leur permette d’être à l’écoute de leur population, ils n’ont que la liberté de transmettre aux habitants les décisions conçues sur la base de contraintes réglementaires invoquées par des cabinets d’études auxquels l’Etat a, de fait, donné des pouvoirs exorbitants. Plus grave, on demande aux élus leur vote, vote contraint, mais sur lequel on s’appuiera pour dire : « nous vous avons consultés, le PLUI c’est vous qui l’avez accepté !! »
Tout ceci va à l’encontre de l’évolution de la société. Il y a une contradiction aveuglante entre le fait que la vie se développe à partir des initiatives des personnes et les contraintes imposées par l’hypercentralisation.
La modernité, c’est la démocratie à la base, or il y a là une forme de fonctionnement de de gouvernance fondés sur la plus grande opacité : on ne sait plus très bien où sont les lieux de décisions, à qui s’adresser, ni, au final, quel est le projet. pour nos territoires.
Ainsi avant même l’enquête publique annoncée, au nom des contraintes réglementaires à venir, il y a déjà des projets « retoqués » comme contraire à des décisions non encore prises. Étrange conception du droit que d’appliquer une décision avant qu’elle ne soit votée. Eloignant encore d’avantage les citoyens de toute possibilité que leur intervention soit suivie d’effet. Tout est fait pour nourrir un sentiment d’impuissance.
Ces constats sont vrais pour tous les villages ruraux et si nous faisons cette conférence de presse c’est avec le souhait que, ensemble, nous puissions faire bouger cela.